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La Nouvelle Évangélisation

par Dr.Zeinab Abdelaziz
Professeur de civilisation Française

 
Avant d’aborder la nouvelle évangélisation il est intéressant de voir comment se trame la planification de ce complot et comment se poursuit la réalisation, en passant d’un dirigeant à un autre, tel un legs qu’on passe de père en fils. C’est à Vatican II, en 1965, que fut décrétée l’inhumaine et provocante décision d’évangéliser le monde, ce qui veut dire : extirper toutes les autres religions et croyances, à commencer par l’Islam, pour imposer le christianisme vaticanais. Affaire qui semble être une question de vie ou de mort pour l’Église.

A part quelques restreints synodes, depuis 1965 pour mettre ce décret en pratique, en 1974 eut lieu un grand Synode sur l’évangélisation, qui se prolongea durant un mois, ayant pour thème : l’évangélisation dans le monde contemporain, au cours duquel 67 thèmes théologiques et pastoraux furent débattus. Un an plus tard, Paul VI, tel un chef d’orchestre qui donne le La, publiait son exhortation apostolique « Evangelii Nuntiandi », considérée comme le plus grand texte pontifical du XXe siècle, car il met en pratique un des principaux décrets de Vatican II, cristallise sa mission théologique et pastorale, ainsi que l’entrée de l’Eglise dans le 3e millénaire, pour faire face à cet état d’apostasie au cœur de la pratique sacramentelle, en appliquant la méthodologie de l’intégration dans le second chapitre intitulé : « Qu’est-ce que évangéliser ? ».

Dans le premier numéro de ce second chapitre Paul VI précise que les éléments variés, essentiels et complémentaires de l’évangélisation « se situent, au fond, dans la ligne de ceux que le Concile Vatican II nous a transmis, surtout dans les Constitutions Lumen gentium, Gaudium et spes et dans le Décret Ad gentes » (EN, 17). Dans le dernier numéro de ce même chapitre (EN, 24), Paul VI affirme : « L’évangélisation, avons-Nous dit, est une démarche [un processus] complexe, aux éléments variés : renouveau de l’humanité, témoignage, annonce explicite, adhésion du cœur, entrée dans la communauté, accueil des signes, initiative d’apostolat. Ces éléments peuvent apparaître contrastants, voire exclusifs. Ils sont en réalité complémentaires et mutuellement enrichissants. Il faut toujours envisager chacun d’eux dans son intégration aux autres. La valeur du récent Synode a été de nous avoir constamment invités à composer ces éléments, plutôt qu’à les opposer entre eux, pour avoir la pleine compréhension de l’activité évangélisatrice de l’Église ».

La « complexité de l’action évangélisatrice » concernant le troisième millénaire avait déjà été abordée de manière explicite et détaillée dans le Décret sur l’Activité missionnaire de l’Église Ad gentes au chapitre deux intitulé : « L’œuvre missionnaire elle-même ». Car ce décret, d’une cinquantaine pages environ, désigne essentiellement l’évangélisation des nations qui ne connaissent pas encore le christianisme. L’action évangélisatrice est précisément située dans le cadre de la mission ad gentes. Les étapes et tous les éléments essentiels de l’évangélisation sont décrits dans le contexte missionnaire de l’implantation de nouvelles Églises particulières. Ainsi, dans l’œuvre missionnaire se déploie une série d’étapes :
* le témoignage de la vie (n°11)
* la présence de charité (n°12)
* évangélisation et conversion (n°14)
* formation de la communauté chrétienne (n°15)
* établissement du clergé local.

Ce qui revient à dire que le summum de l’évangélisation consiste à déraciner les gens de leur croyance, moyennant leur aide financière, pour aboutir à la conversion totale, en faire de ces nouveaux convertis une communauté chrétienne pour établir une église avec un clergé local !
Si les numéros 18-20 rappellent en quelque sorte le mandat missionnaire de l’Église. Le numéro 18 situe clairement le but visé par cette action évangélisatrice : le renouvellement de l’humanité par la conversion. C’est pourquoi le numéro 19 précise jusqu’où va cette évangélisation. Il ne s’agit pas seulement d’étendre géographiquement l’Évangile de la Bonne Nouvelle mais surtout de l’insérer dans toutes les sphères de l’activité humaine pour arriver à la conversion totale de l’individu. Et le numéro 20 d’insister sur la nécessaire évangélisation des cultures.

Il est clair que le changement d’attitude de l’Institution vaticane est catégorique : après avoir vécu en autodéfense depuis son appropriation des rênes de la gouverne, au IVe siècle, l’Église, depuis Vatican II, depuis ce premier Concile agressif et provocateur à la fois, semble ne plus avoir peur : elle est entrée en dialogue, tous azimuts avec le monde pour lui imposer l’évangélisation en créant d’abord une ‘‘Congrégation pour l’évangélisation des peuples’’ en 1965, et au mois de juin 2010 un nouveau ‘‘Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation’’, ce qui est fort rare de créer de nouveaux ministères pour consolider la présence ecclésiale dans une société qui l’a déjà rejetée, en renforçant la symbolique missionnaire de l’Église.

Ce n’est donc plus seulement les musulmans ou les croyances asiatiques qui sont concernés ou à éradiquer, mais effectivement tout le monde doit y passer : Benoît XVI organise la « nouvelle évangélisation » et crée un nouveau dicastère dans son gouvernement, visant à promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays de vieille tradition chrétienne. Pour Benoît XVI, «l’éclipse du sens de Dieu » dans les pays de tradition chrétienne est le défi majeur de ce début de troisième millénaire. D’où cette annonce, lors des vêpres du lundi 28 juin à Saint-Paul-hors-les-Murs, de la création de ce nouveau Conseil pontifical dont la feuille de route est ainsi tracée : « Promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où a déjà résonné la première annonce de la foi et où sont présentes des Églises d’antique fondation, mais qui vivent une sécularisation progressive de la société et une sorte d’“éclipse du sens de Dieu”, qui constitue un défi à relever par des moyens adéquats pour proposer à nouveau la vérité éternelle de l’Évangile du Christ. » D’ailleurs Paul VI avait déjà mis le doigt sur la vraie tare en affirmant que « la rupture entre Evangile et culture est sans doute le drame de notre époque, comme ce fut aussi celui d’autres époques » (n. 20).

À l’issue de ces six dernier mois de crise avec les différentes affaires de pédophilie qui ont déstabilisé et éprouvé à juste titre les catholiques et la hiérarchie ecclésiale, les décisions que vient de prendre Benoît XVI à propos du gouvernement et de l'orientation pastorale de l'Église universelle sont lourdes de sens, car il ne s’agit plus seulement de déraciner les musulmans de leur croyance, d’éliminer l’Islam, en mettant en pratique le décret de Vatican II d’évangéliser le monde, mais aussi de faire revenir les chrétiens qui quittèrent leur foi, et pour cause, à ce même christianisme qu’ils ont fui.

Avec la création d’une Congrégation pour la Nouvelle évangélisation, Benoît XVI donne suite aux invocations de Jean-Paul II qui, en 1980, au Bourget, demandait à la France de se souvenir de son Baptême, et en novembre 1982, à Compostelle, appelait l’Europe à retrouver ses racines chrétiennes, mettant en pratique les différents textes des Constitutions, des Déclarations ou des Décrets de Vatican II concernant la christianisation du monde, car selon ces prélats, la culture occidentale actuelle menace d’érosion les fondements même de la foi chrétienne et de la vie des adeptes, à quoi s’ajoute le phénomène des distants, de l’incroyance toujours plus répandue parmi les adeptes, l’éloignement de la foi pour une grande majorité ainsi que l’augmentation des non pratiquants et la perte des valeurs éthiques. D’ailleurs Paul VI, dans son encyclique, avait précisé : « Ce qui est important, c’est d’évangéliser – non pas d’une manière superficielle, comme un vernis, mais vraiment en profondeur et jusqu’aux racines même de la culture et des cultures de l’homme ». C'est-à-dire en extirpant les gens, en les déracinant vraiment et foncièrement de leur foi pour leur ingurgiter le christianisme vaticanais.

C’est la raison pour laquelle la nouvelle évangélisation a été définie dans les innombrables textes qui traitent du thème, comme devant être : l’annonce explicite de Jésus-Christ comme Bonne Nouvelle de Dieu pour l’homme, comme sauveur et Rédempteur de l’humanité, i-e de tout l’homme et de tous les hommes. Cela suppose aussi l’annonce du Royaume de Dieu, le cœur du message de Jésus offert à l’homme comme don et comme tâche. Cela suppose encore la proclamation de la Mort et de la Résurrection du Christ comme le sceau et le signe ultime de l’Alliance. Est-il lieu d’ajouter ici que la Rédemption de Jésus ne tient sur aucun document valable, que le Royaume de Dieu jésus n’a fait que l’annoncer comme étant sur le point de se réaliser de son vivant, et jusqu’à présent, après deux mille ans d’attente, ce Royaume se laisse encore attendre, et que la Résurrection de Jésus n’est que pure fiction car personne ne l’a vue (cf. les quatre versions des évangiles)… ?!

Pour mettre en pratique toute cette programmation basée sur des mensonges et des contrefaçons variés, les textes concernant l’évangélisation précisent que :
* la nouvelle évangélisation doit se réaliser à partir de la pauvreté comme base sociale ;
* l’évangélisation est la responsabilité de tout le peuple de Dieu ;
* toute la communauté chrétienne en est responsable ;
* faire face au défi qui se présente par l’acculturation et l’inculturation ;
* l’acculturation de la foi comporte une reformulation de la Bonne Nouvelle de l’évangile, i-e traduire dans le langage de chaque lieu le don offert ;
* l’inculturation suppose que la foi a été accueillie par ceux qui ont reçu l’annonce dans leur propre culture, leur expérience de vie, leur situation existentielle. C’est l’incarnation de l’Evangile dans les différentes cultures.

Peut-on imaginer une planification plus machiavélique, un complot plus raciste, plus meurtrier ou plus altruicide ? Car déraciner intentionnellement un être de sa foi, de sa pensée, de sa culture, de sa formation et de ses racines traditionnelles, équivaut à un acte de décès qu’on lui impose, et non seulement à un simple lavage de cerveau !

Au lieu d’envisager et de scruter ses problèmes théologiques, ecclésiastiques, ou l’érosion des fondements même de la foi chrétienne, le phénomène des distants, la fuite surnommée ‘‘l’hémorragie silencieuse’’ des adeptes et des prêtres, l’incroyance toujours plus répandue parmi les adeptes, l’éloignement de la foi et l’augmentation des non pratiquants, la perte des valeurs éthiques, pour ne rien dire des gros problèmes qui gangrènent le corps de cette vieille Institution, à ne citer qu’abus sexuels et malversations… Au lieu de remédier à cette ahurissante cascade dévastatrice, le Vatican, voyant le tapis se retirer d’en dessous de ses pieds, réagit avec la même mentalité d’un impérialiste colonisateur pour maintenir son statut, quitte à éradiquer des peuples comme il l’a déjà fait le long de sa triste histoire à travers les siècles ! Car ce qui advint en fait, fut toujours un conflit et un rapport de destruction de l’altérité, la catéchèse étant incorporée au projet colonial, aux troupes coloniales. Même de nos jours, l’entrée en scène des évangélisateurs en Iraq n’est pas encore oubliée… L’évangélisation ne se mène jamais dans le cadre d’un dialogue interculturel, tel qu’on le prétend, mais désigne en fait l’introduction d’un modèle préconstitué du christianisme, d’une culture chrétienne, introduite au nom de Dieu sur toute la terre. Alors qu’en vérité Dieu n’a rien à voir avec ces balivernes qu’Il Dénonça nettement dans le Qur’ân.

Il est étonnant de voir qu’au lieu de réaliser combien le monde a changé, surtout depuis l’ère de l’imprimerie et son expansion, jusqu’aux toutes récentes découvertes du vingtième siècle, à ne citer que le codex Sinaiticus, qui révèle plus de 14000 contradictions avec les textes des évangiles actuels, et les travaux de recherche qui prouvent incontestablement que tout cet édifice vaticanais est construit sur une base toute formée de contrefaçons, de manipulations, de forgeries, de textes inventés, de mensonges superposés, et qu’il n’y a surtout rien comme références sur la vie de Jésus et la formation du christianisme que seuls les textes que l’Église a voulu imposer ! Au lieu de voir les vraies raisons qui causent sa perte, ou au lieu de s’excuser à ses adeptes et au monde pour ce tas incontournable de faussetés et d’abus, le Vatican se lance, tel un condamné, affolé par sa propre perte, à l’évangélisation du monde sous l’emblème de la Nouvelle Évangélisation.

Le pape ne se rend-il pas compte qu’en imposant la participation de tous les chrétiens du monde à l’évangélisation, qu’il impose en même temps la traîtrise aux minorités chrétiennes et aux églises locales, dans les pays à majorité musulmane ? En créant des traitres par rapport à leurs compatriotes, et des traitres face aux dirigeants de ces pays, puisque leur allégeance se trouve devant être au Vatican et non au pays où ils vivent, ne mène-t-il pas ses adeptes à une vraie catastrophe, à de vraies guerres de religions ?!
N’est-il pas temps que cette Institution impérialiste et colonisatrice à la foi, se débarrasse de son obsession tenace d’évangéliser le monde, qui mène la Terre foncièrement à la dérive, et laisser les peuples vivre en paix ?!

Zeinab Abdelaziz
Août 2010

 

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