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L’Afrique, les Congrès de Lausanne,
 Et l’évangélisation...

par Dr.Zeinab Abdelaziz
Professeur de civilisation Française

 
Tandis que le Synode des Evêques pour le Moyen-Orient se déroulait au Vatican, en octobre 2010, une autre réunion de quelques 4200 missionnaires évangéliques, préparé par le Comité de l’Evangélisation Mondiale, se passait à la même période, à Cape Town, en Afrique du Sud, ayant aussi pour thème cette hystérique "évangélisation du monde", ou plus exactement tel qu’il fut exprimé, une Conférence : « pour s’adresser aux défis et aux opportunités que l’Eglise affronte en ce qui concerne l’évangélisation mondiale » ! Deux vocables qui délimitent l’envergure de la trajectoire doubles- face qu’envisage l’Eglise : d’un côté, faire face aux défis que représentent l’islam et les musulmans ; de l’autre, toutes les opportunités présentes qui lui permettent de s’infiltrer dans les pays à majorité musulmane.

L’année 2010 a été particulièrement choisie pour célébrer le centenaire de la Conférence Missionnaire Mondiale d’Edinburg, tenue en 1910 sous la direction du Dr John Mott. Déjà un siècle avant lui, William Carey, père des missionnaires modernes, avait proposé de tenir en 1810 une Conférence à Cape Town. Deux siècles de planifications, de tactiques et de subterfuges pour christianiser l’Afrique, pour déraciner les peuples non-chrétiens de leur foi, pour leur ingurgiter un christianisme dont les manipulations ont été décelées et mises à l’index même par ses propres adeptes !

Le Père Douglas Birdsall, Président du Comité Lausanne d’Evangélisation Mondiale (CLEM), avoue : qu’ « Il n’y a aucun doute que nous avons atteint une nouvelle ère dans le christianisme autour du monde et nous avons besoin d’un plan stratégique au sujet de la façon dont nous devons continuer la propagation de l’évangile à travers le globe ». Tandis que le nouveau directeur du CLEM dénonce « des changements drastiques qui ont eu lieu dans le christianisme au cours du dernier siècle », sans rien ajouter, à quoi il n’est pas difficile de citer à titre d’exemples : le Concile Vatican II découvrant que les Textes sacrés ont été rédigés par des hommes, qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, puis réhabilita les juifs du meurtre déicide ; les affaires scandaleuses des prêtres en Afrique ; les interventions de l’Eglise aux coups d’Etats, à la formation de Solidarnosc, à l’éradication de l’Union soviétique, au génocide de Rwanda ; puis tout récemment l’affaire de pédophilies, qui, selon les nouvelles du Canada, ont causé deux millions de victimes, comme si certains prêtres n’avait d’autres fonctions que la criminalité de détruire des innocents ou d’être une machine à dénaturer leur vie… rien que quelques exemples de ce que le père Birdsall appelle "des changements drastiques"… Et pourtant, l’impudence hallucinante d’évangéliser le monde se mène coûte que coûte !

Les membres de l’Alliance Evangélique Mondiale (AEM) ont participé à la planification de Lausanne III, aux choix des participants, au soutien à la réflexion théologique et stratégique concernant la mise en œuvre. C’est ce qui explique l’éventail aussi large des participants, parmi des groupes de savants, des pasteurs et des Evangélistes, des missionnaires, des chrétiens du monde du travail, des PDG, des responsables politiques ou civiques, des homme d’affaires, des donateurs, des directeurs hors du domaine ecclésiastique, des directeurs et des responsables de ministères spécialisés de Cultures, des Beaux-arts, des professeurs, des chercheurs, des historiens. Un amalgame assez révélateur qui n’a rien à voir avec la simple religiosité !
Il est intéressant de suivre l’histoire des conférences dites de Lausanne, pour voir à quel point ce n’est pas seulement une ‘‘obsession d’évangéliser le monde’’ mais une interminable suite de complots ayant pour couvert l’évangélisation...

En 1974 a été tenu le premier Congrès International sur l’Evangélisation Mondiale à Lausanne, intitulé « Lausanne I », pour planifier la réalisation des seize décrets émis par Vatican II, tournant tous d’une façon ou d’une autre autour de l’évangélisation du monde. Billy Graham, avec 2700 leaders évangéliques venant de 150 pays, avaient pour objectif, dans cette rencontre, de toucher le côté pratique et théologique de l’évangélisation. La fin des réunions donna lieu à un document intitulé « L’Alliance Lausanne », un document qui fournit les détails théologiques nécessaires pour l’évangélisation du monde, comprenant quinze articles, outre une introduction et une conclusion.

Suivre les titres de ces quinze points révèle à quel point l’évangélisation est prise comme prétexte pour une ingérence inadmissible surtout de la part d’une institution qui se dit religieuse : Le dessein de Dieu ; autorité et puissance de la Bible ; le Christ unique et universel ; la nature de l’évangélisation ; responsabilité sociale des chrétiens ; coopération dans l’évangélisation ; collaboration des églises dans l’évangélisation ; urgence de l’évangélisation ; évangélisation et culture ; enseignement et autorité ; conflits spirituels ; liberté et persécution ; la puissance du Saint-Esprit ; le retour du Christ. Alors que la conclusion précise : « Nous nous engageons par une alliance solennelle avec Dieu, et les uns avec les autres, à prier, à dresser des plans et à œuvrer ensemble pour l’évangélisation du monde entier. Nous appelons autrui à se joindre à nous » ! Inutile d’ajouter que ce document sert de rapport de foi pour des centaines d’organisations autour du monde.
C’est à Manille, aux Philippines, que fut tenu Lausanne II, en 1989, avec une participation de plus de 3000 leaders provenant de 170 pays. Réunion qui finit par réaffirmer l’engagement de Lausanne I et son appel : « Proclamer le Christ jusqu’à son retour ». Le Manifeste de Manille s’appuie sur deux principaux thèmes : "Proclamer le Christ jusqu’à ce qu'il vienne" et "Appeler l'Eglise tout entière à porter l'Evangile tout entier au monde tout entier"…
Un long Manifeste d’une vingtaine de pages, duquel il est utile de relever quelques unes de ses clauses avec leur numéro, pour montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’une évangélisation :
7. Nous affirmons que les autres religions et idéologies ne sont pas d'autres manières d'aller à Dieu, et que la spiritualité humaine, en dehors de la rédemption par le Christ, mène au jugement et non à Dieu, car le Christ est le seul chemin.
18. Nous affirmons qu'il est de notre devoir d'étudier la société dans laquelle nous vivons, afin d'en comprendre les structures, les valeurs et les besoins, et de développer ainsi une stratégie missionnaire appropriée.
19. Nous affirmons que l'évangélisation du monde est une tâche urgente et qu'il est possible d'atteindre les populations non atteintes. Nous nous engageons donc à nous consacrer à cette tâche avec une détermination nouvelle pendant la dernière décennie du 20e siècle.
20. Nous affirmons notre solidarité avec ceux qui souffrent à cause de l'Evangile, et nous voulons nous préparer à faire face à une telle éventualité. Nous sommes également résolus à œuvrer en faveur de la liberté religieuse et politique en tout lieu.
21. Nous affirmons que Dieu appelle l'Eglise tout entière à porter l'Evangile tout entier au monde tout entier. Nous sommes donc résolus à le proclamer fidèlement, dès à présent et à tout prix, jusqu'au retour de Jésus.

Une quinzaine d’années plus tard, en 2004, commencent les travaux préparatifs de Lausanne III par le Forum d’Evangélisation du Monde, à Thaïlande, avec la participation de 1500 personnes, pour traiter des questions concernant l’évangélisation du globe ! Deux ans plus tard, c’était la préparation pour engager une nouvelle génération dans le leadership chrétien. Plus de 500 jeunes leaders chrétiens venant de 120 pays se sont joints pour initier l’Assemblée des Jeunes leaders à Manille, en 2006. Un an plus tard, en 2007, c’était le rassemblement des leaders de l’évangélisation à Budapest, avec 3600 leaders venant de 60 pays du monde pour planifier et mettre toutes les ressources en commun en vue de Lausanne III, qui eut lieu en octobre 2010, presqu’en même temps que le Synode des Evêques pour le Moyen-Orient.
Le père Douglas Birdsall explique ce qui semble préoccupant pour l’Eglise : "Les questions se posant à nous aujourd’hui, comme le Sida et les théories de plus en plus hostiles aux christianisme, sont très différents des questions discutées en 1974 "… A noter que quatre ans plus tard, en 1978, eut lieu un autre Congrès aussi important, au Colorado, aux Etats-Unis, pour étudier la mise en pratique des décrets de Lausanne I, qui était, lui, un tâtonnement sur la mise en pratique des décrets de Vatican II, sur le même thème inébranlable de l’évangélisation du monde, et par là, l’éradication de l’islam. Cent cinquante experts s’étaient réunis pour étudier 40 travaux de recherche qui représentent quarante moyens d’infiltrations efficaces et destructives du monde musulman.

A la suite de Lausanne II (1989), près de 350 partenariats furent formés entre les églises et diverses associations chrétiennes, à travers le monde, pour unifier leurs efforts contre l’Islam, sous le titre de l’évangélisation du monde. D’ailleurs c’est Jean Paul II qui l’avait déclaré, nettement décrit dans le livre intitulé La Géopolitique vaticane...
Si, apparemment, Lausanne III prétend chercher une réponse rédemptrice, comme ils disent, aux défis que d’autres posent à l’évangile, tel le Sida, la pauvreté, des préoccupations environnementales, la mondialisation, l’urbanisation et bien d’autres problèmes, la seule et inébranlable question pour l’Eglise demeure l’évangélisation du monde. C’est pourquoi le troisième jour de Lausanne III était consacré à l’étude de tous les moyens possibles ou même impossibles pour pénétrer et déstabiliser les musulmans de leur foi.
A signaler aussi que depuis le premier Congrès d’Evangélisation du Monde à Lausanne, en 1974, il y eut des dizaines de conférences préparatoires à travers le monde, sur le plan internationale ou régional, à ne citer que : la Consultation sur l’évangélisation du monde (Pattaya 1980) ; la Conférence des jeunes responsables (Singapour 1987) ; Lausanne II (Manille 1989) ; le Forum pour l’évangélisation du monde (Pattaya 2004) ; Rencontre des jeunes responsables (Malaisie 2006). Lausanne I a été aussi l’inspiration pour de nombreux réseaux et conférences régionaux, tels : le Comité de Lausanne Asiatique pour l’évangélisation ; le Centre de coordination chinoise du monde et des consultations internationales sur l’évangélisation des juifs.

A noter que c’est une des rares fois où l’évangélisation des juifs est traitée directement ou à haute voix ! Au N° 3 de la déclaration de Manille on peut lire distinctement : « Certains prétendent que l'alliance de Dieu avec Abraham dispense les membres du peuple juif de reconnaître Jésus comme leur Messie. Nous affirmons que les Juifs ont autant besoin de Jésus que quiconque. Ce serait une forme d'antisémitisme et un manque de loyauté à l'égard du Christ de nous écarter du modèle néotestamentaire selon lequel l'Evangile s'adresse "aux Juifs d'abord". Nous rejetons donc l'affirmation que les Juifs ont une alliance particulière qui rendrait inutile la foi en Jésus-Christ ». Le même N° 3 se termine avec un paragraphe fort révélateur : " Dans le passé, nous avons parfois adopté à l'égard des adeptes d'autres croyances une attitude coupable : méconnaissance, arrogance, mépris et parfois même hostilité. Nous nous en repentons. Néanmoins, nous sommes résolus à rendre un témoignage positif et sans compromission aucune au caractère unique de notre Seigneur, à sa vie, sa mort et sa résurrection, dans tous les aspects de notre évangélisation, y compris dans le dialogue avec les autres religions".

L’engagement de Lausanne III, ou Cape Town 2010, déclaré le 24.10.2010, est un appel à l’action, un renouvellement et une affirmation des engagements déjà pris envers la vision et les objectifs du Mouvement de Lausanne. Ce qui signifie : qu’ils n’abandonnent pas leur engagement « à porter dans le monde entier témoignage à Jésus-Christ et à tout son enseignement », et qu’ils n’abandonnent pas leur engagement à propos des principaux documents du mouvement, à savoir : La Déclaration de Lausanne (1974) et Le Manifeste de Manille (1989). En prenant garde d’ajouter qu’ils tiennent à des réalités immuables, à savoir : que les êtres humains sont perdus, que seule l’Eglise peut les sauver ; l’Evangile est une bonne nouvelle à imposer au monde ; la mission de l’Eglise continue. A quoi ils ajoutent leur engagement à La Déclaration de Michée (1999) sur la mission intégrale, qui est la proclamation et la démonstration de l’évangile partout. Une mission intégrale de l’Eglise, qui vise à « implanter des églises et de donner aux églises locales la capacité de transformer leur communautés ». A noter que cette déclaration Michée est issue du Réseau Michée, constitué d’un groupe de plus de 330 organisations chrétiennes actives émanant de 81 pays, dont les objectifs sont : accroître leur capacité et favoriser la mission intégrale. Est-il lieu d’ajouter que le budget de l’évangélisation en 2009 comprenait le chiffre de 370 milliards de dollars ?! On ne dépense point une somme pareille pour le simple amour du Christ mais pour tous les gisements miniers qui se trouvent en Afrique et auxquels le Vatican a déjà, quelques mois auparavant, consacré un Synode pour les extirper !
Peut-on être plus arrogant pour déraciner, éliminer ou détruire la seule religion qui n’a point connue les avatars charlatanesques qu’ont subis le Christianisme et ses textes manipulés ? Nul n’ignore que le Qur’ân est le seul Texte sacré, Révélé, qui n’a point changé d’un iota, et qui n’a été révélé que lorsque les juifs déraillèrent du monothéisme, tuèrent les prophètes et reprirent le veau ! Jésus, comme il le dit clairement, n’est venu que pour les brebis égarées de la maison d’Israël. Lorsque l’Institution ecclésiastique dérailla en le déifiant au premier Concile de Nicée, en 325, puis tomba dans le polythéisme en imposant la Trinité, l’Islam a été Révélé. Quelle difficulté y a-t-il à comprendre cette pure et simple vérité ? Pourquoi faut-il traquer les gens ou plutôt déraciner des peuples entiers pour leur imposer des contradictions historiques, religieuses ou logiques ?
N’est-il pas plus humain de cesser ces guerres de religions, intentionnellement préfabriquées, voulues et menées, par une clique peinturlurée aux habits carnavalesques, qui ont perdus leur effet sur les adeptes, et se préoccuper des vrais problèmes qui menace tout le globe terrestre, au lieu d’encercler l’Islam avec le marteau des catholiques et l’enclume des évangélistes pour l’extirper ?!

3 / 1 / 2011
 

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